L'Histoire du Bronze Chinois est très corrélée avec son Histoire politico-sociale. Pour comprendre les bronzes trouvés en Chine, il est important de les situer dans leur contexte politico-historique.

Les peuples de langue et de culture chinoises se sont installés sur le territoire de la Chine actuelle par étapes. Au néolithique, la riziculture et la domestication du buffle étaient acquises. Au nord, dans la province du Henan (Chine centrale), existe alors une communauté agraire, la culture de Peiligang (6500-5000 av. J.-C.). Au sud, les fouilles de Xianrendong (Province du Jiangxi) ou de Zengpiyan (Guangxi) ont révélé la présence d'ossements, de céramiques et d'outils datant du néolithique.

Cinq siècles plus tard, des sociétés agricoles se développent dans le bassin du Huang He (Fleuve Jaune). Deux d'entre-elles se distinguent par leur importance et par la qualité de leurs céramiques :

  • La culture de Yangshao (4500-2500 av. J.-C.) rayonne à l'ouest de la Chine (Provinces du Gansu, Shaanxi, Shanxi, Henan) et à l'est (Province du Henan, Hebei, Shandong, Jiangsu).
  • La culture de Longshan (2500-1800 av. J.-C.) dans la Province du Shandong fonde les premiers sites urbains connus.

Après une période de transition, la tradition chinoise évoque le règne de souverains légendaires comme Pangu, Fuxi ou Huangdi. Ceux-ci auraient ensuite laissé place à des dynasties semi-mythiques, comme celle des Xia (1989-1558 av. J.-C.), dans le Shanxi, fondée par Yu le Grand. Mais la première dynastie avérée par l'Histoire est celle des Shang, sous laquelle l'écriture chinoise se développe.


La dynastie Shang (XVIIIe -XIIe siècle avant J.-C.)

La dynastie Shang ou Yin règne sur le nord et le centre de la Chine. A partir de 1384 av. J.-C., la capitale est établie à Yin (près d'Anyang). L'économie est essentiellement agricole (mil, blé, orge, riz, élevage). Des armes, des outils et de la vaisselle de bronze retrouvés à l'occasion de fouilles archéologiques ont révélé l'existence d'une métallurgie assez sophistiquée.

La Chine des Shang est une société féodale fortement hiérarchisée en classes (aristocratie guerrière, religieux, paysannerie). Les seigneurs guerriers, qui reçoivent leur fief du souverain, s'engagent à assister celui-ci dans ses entreprises militaires. Les religieux, qui sont aussi des lettrés, s'occupent de l'administration, participent au gouvernement et pratiquent des divinations très élaborées sur des os ou des écailles de tortues.

Les rois Shang rendent un culte à leurs ancêtres royaux et à une multitude de dieux, dont le principal est Shangdi (le Seigneur d'en haut). L'écriture se compose alors de 3000 signes. Au XIe siècle, les Shang sont renversés par les attaques d'une cité vassale qui fonde la dynastie Zhou.


La dynastie Zhou (XIe siècle-221 av. J.-C.)

Originaire de la vallée du Weihe, la dynastie Zhou établit sa capitale à Hao, près de Xi'an (province du Shaanxi). Il y a d'abord :

  • Les Zhou occidentaux (1027-771 av. J.-C.) qui règnent sur la moitié nord de la Chine et sur la vallée du Yangtsé (Changjiang). Mais l'immensité du royaume et l'état primitif des communications empêchent les Zhou occidentaux d'exercer et de centraliser leur pouvoir. Vers le Xe siècle av. J.-C, des mutations d'ordre social et politique se dessinent. Le pouvoir royal ne joue bientôt plus qu'un rôle d'arbitre entre des principautés aux mains d'une noblesse héréditaire. La société Zhou reste profondément rurale (élevage, riz, sorgho, haricots, fruits, etc.). La terre est répartie en parcelles carrées en neuf parties égales. Les huit parcelles extérieures sont attribuées à huit familles paysannes qui associent leurs efforts et leurs ressources pour cultiver la parcelle centrale, dont la récolte est destinée à la noblesse. Ce système est considéré par les dynasties suivantes comme le mode de répartition le plus juste des terres arables.
  • Les Zhou orientaux (770-221 av. J.-C.) : Les Zhou gardent le contrôle effectif de leur territoire jusqu'en 771 av. J.-C. A cette date, des soulèvements éclatent, favorisant l'invasion de tribus venues de l'ouest. Chassés, les Zhou établissent une nouvelle capitale dans l'est, à Luoyang (Province du Henan). C'est l'époque des Zhou dits « orientaux ». Désormais à l'abri des attaques barbares, les souverains ne peuvent bientôt plus exercer d'autorité politique ou militaire sur leurs Etats vassaux, dont beaucoup se sont agrandis au point de devenir plus puissants qu'eux. Néanmoins, ils restent détenteurs d'un « mandat du Ciel ». Ainsi légitimés dans leur autorité politique, ils continuent à investir les seigneurs du pouvoir de gouverner leurs terres. La dynastie peut ainsi se maintenir jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.

La fin de l'ère Zhou se subdivise en deux périodes : celle des « Printemps et des Automnes » ou Chunqiu (722-481 av. J.-C.) et celle des « Royaumes combattants » ou Zhanguo (475-221 av. J.-C.).
Du VIIIe au IIIe siècle av. J.-C., un rapide essor économique s'accompagne de transformations sociales, dans un contexte d'extrême instabilité politique et de guerres incessantes.

C'est à cette époque que la Chine entre dans l'âge du fer, en 513 av. J.-C. La charrue à soc de fer tirée par un bœuf et l'amélioration des techniques d'irrigation autorisent de meilleurs rendements agricoles, et donc un accroissement de la population.

La croissance démographique s'accompagne d'une production accrue de richesses et donne naissance à une nouvelle classe de négociants et de commerçants. Les découvertes scientifiques se multiplient (tables de multiplication, astronomie). Ce développement économique permet aux souverains locaux de contrôler progressivement de plus grandes étendues de territoire. Les Etats vassaux s'étendent aux dépens des peuples voisins non chinois. Cette expansion leur permet d'enrichir et de diversifier leur propre culture. Ils apprennent notamment, au contact des peuples du nord-ouest, à former des unités de cavalerie.

En revanche, pour les Etats vassaux du centre de la Chine, l'expansion ne peut se faire qu'en empiétant sur d'autres Etats de même civilisation, et cette uniformité engendre une stagnation culturelle. Ainsi, dès le VIe siècle av. J.-C., sept royaumes puissants entourent les royaumes plus petits et plus faibles de la Grande Plaine du Nord.

Avec le déclin de l'autorité politique des Zhou et l'émergence de nouveaux Etats à la périphérie du territoire, les relations s'enveniment. A la fin du Ve siècle av. J.-C., la Chine vit une période de luttes féodales incessantes entre les différents Etats (Qin, Han, Zhao, Chu, Yan, Qi, Wei) connue sous le nom de « Royaumes combattants ».

C'est au cours de cette longue période d'instabilité que naissent les grandes écoles de pensées de la philosophie chinoise, qui exercent une influence majeure sur le développement de la civilisation et sur l'Etat chinois durant les deux millénaires suivants. Le premier, et de loin le plus influent des philosophes de cette époque, est Confucius (Kongfuzi).

Fils instruit du gouverneur de l'Etat de Lu (actuelle province du Shandong), issu de la petite noblesse, il représente la classe naissante des gestionnaires et des conseillers de cour dont l'aristocratie au pouvoir a besoin pour gérer l'administration intérieure et les relations inter-Etats. Confucius propose une restauration des institutions sociales et politiques des premiers Zhou, estimant que ces sages souverains ont cherché à établir une société idéale par l'exemple de leur vertu personnelle.

C'est pourquoi il veut créer une classe de gentilshommes vertueux et cultivés, capables de prendre en charge les fonctions les plus hautes du gouvernement et de diriger le peuple, tout en se donnant en exemple. Il s'appuie sur une morale selon laquelle une pensée juste aboutit à une attitude juste, apanage du junzi ou « homme bien né », être à la fois droit, beau et bon. Par la suite, Mencius et Xunzi (298-238 av JC) reprennent et développent les théories de Confucius.

Une autre école de pensée politique fleurit et pèse durablement sur la civilisation chinoise : celle des « légistes ». Partisans d'une centralisation poussée à l'extrême, ces légistes entendent substituer aux coutumes et aux droits hérités du passé une réglementation pénale uniforme pour chaque aspect de l'activité humaine.

Afin de pouvoir appliquer ce système, ils souhaitent l'établissement d'un Etat riche et puissant, où l'autorité du souverain serait incontestée. Ils réclament la socialisation du capital, la création de monopoles d'Etat et d'autres mesures économiques destinées à enrichir l'Etat, à renforcer sa puissance militaire et à centraliser le pouvoir administratif. Les principaux représentants de ce courant de pensée sont Shang Yang, Li Si, réformateur de l'Etat des Qin, et l'écrivain Han Fei.

Situés à l'opposé des moralistes confucéens et des légistes, les taoïstes sont à l'origine d'un courant de pensée toujours vivace en Chine. Selon leur philosophie, chaque progrès technique ne peut être qu'une étape de plus dans la perte des vertus naturelles de l'Homme et toute institution, un progrès de l'asservissement de l'être humain. Les deux textes fondateurs furent le Daodejing ou « Classique de la voie et de sa vertu », dû à Lao-tseu, et le Zhuangzi, écrit par Zhuangzi.

Au cours du IVe siècle av. J.-C., le royaume des Qin, l'un des Etats du nord-ouest, entreprend un programme de réformes administratives, économiques et militaires inspirées par l'un des principaux théoriciens du légisme, Li Si. En 256 av. J.-C., il absorbe le royaume des Zhou. A partir de 230 av. J.-C., il soumet un à un les autres royaumes chinois (Han, Zhao, Chu, Yan, Qi, Wei) sous l'impulsion du jeune roi Qin Ying Zheng.


La dynastie Qin (221-206 av. J.-C.)

En 221 av. J.-C., Ying Zheng se proclame Qin Shi Huangdi ou « Premier Auguste Souverain de la dynastie Qin ». Cette dynastie va donner son nom à la Chine.

Durant son règne (221-210 av. J.-C.), le premier Empereur transforme un ensemble hétéroclite d'Etats quasi féodaux en un empire administrativement centralisé et culturellement unifié, dont la capitale se situe à Xianyang, à proximité de l'actuelle Xi'an (Province du Shaanxi). Les aristocraties héréditaires sont abolies et leurs fiefs divisés en provinces, dont l'administration est confiée à des gouverneurs directement nommés par l'Empereur.

L'écriture est normalisée et son usage rendu obligatoire dans tout le pays. Pour favoriser le commerce intérieur et l'intégration économique. Shi Huangdi unifie les poids et mesures, la monnaie et la longueur des essieux (qui détermine la distance entre les ornières sur les routes).

Leur quête d'une uniformité culturelle pousse les dirigeants à bannir toutes les écoles de pensée qui ont fleuri à la fin des Zhou. Seul le légisme, qui a un statut officiel, est autorisé. En 213 av. J.-C., des confucéens sont enterrés vivants, tandis que leurs livres et ceux des autres écoles philosophiques interdites sont brûlés, à l'exception des volumes de la bibliothèque impériale.

Shi Huangdi cherche également à étendre son royaume. Au sud, ses armées atteignent le delta du Sông Hông (fleuve Rouge), au Vietnam. Au sud-ouest, l'empire s'étend à la plus grande partie des actuelles provinces du Yunnan, de Guizhou et du Sichuan. Au nord-ouest, il s'avance jusqu'à Lanzhou, dans la province du Gansu. Au nord-est, une partie de la Corée doit prêter allégence à l'Empire. Cependant, le centre de la civilisation reste dans le bassin du Huang He (Fleuve Jaune). Outre l'unification et l'expansion territoriale de la Chine, Shi Huangdi fait achever la construction de la Grande Muraille contre les invasions barbares.

A sa mort en 210 av. J.-C., il est enterré dans un vaste mausolée près de Lintong (à 35 km de Xi'an). Ce site, mis au jour depuis 1974 (le tumulus où se trouve la tombe de Shi Huangdi lui-même n'ayant pas encore à ce jour été exploré), renferme une armée de terre cuite de plus de 6000 soldats (grandeur nature), avec leurs chevaux et leurs chars de combat.

Mais les conquêtes militaires, la construction de routes et de ports, la Grande Muraille et d'autres grands travaux ont eu un coût financier et humain considérable. Une fiscalité de plus en plus lourde, la conscription obligatoire et le travail forcé inspirent un ressentiment profond dans la population à l'encontre du régime Qin, notamment dans les royaumes conquis, comme le royaume Chu dans le sud. De plus, l'empereur s'est aliéné les lettrés par une politique totalitaire de contrôle de la pensée, symbolisée par les autodafés.

Après sa mort, son fils cadet Ying Huhai lui succède. Il prend le titre de Ershi Huangdi, mais tombe rapidement sous l'influence d'un eunuque du palais. Une lutte pour le pouvoir s'ensuit, qui paralyse l'administration centrale et indigne la population. Des révoltes éclatent. Ershi Huangdi, contraint au suicide (207 av. J.-C.), ne peut éviter l'écroulement de l'Empire.


Les Han antérieurs (206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.)

Les trois dernières années de la dynastie Qin, marquées par des troubles et la guerre civile, voient l'émergence d'un chef rebelle d'origine modeste, Liu Bang. Après avoir éliminé les prétendants au trône, Liu Bang se proclame Empereur de Chine en 206 av JC et fonde la dynastie des Han occidentaux (Xihan), ou antérieurs (Qianhan). La capitale est établie à Chang'an (actuelle Xi'an).

Les Han bâtissent leur empire sur les bases unitaires établies par Shi Huangdi, mais ils abrogent les lois les plus contraignantes et allègent les impôts les plus impopulaires. L'Empereur Liu Bang (202-195 av. J.-C.) commence par octroyer des royaumes à certains de ses anciens alliés et à des membres de sa famille. Cependant, au milieu du IIe siècle av. J.-C., la plupart de ces royaumes sont repris par son fils, Wendi (180-157 av. J.-C.) et l'ensemble de l'empire est directement soumis à l'autorité impériale.

Les Han favorisent la renaissance du taoïsme et adoptent le confucianisme en tant qu'idéologie officielle. Néanmoins, désireux de le rendre universel, les Han y incorporent des idées empruntées à d'autres écoles de pensée, afin de compléter l'enseignement laissé par Confucius et ses disciples.

L'administration, héritée des Qin, est très hiérarchique mais ils nomment les fonctionnaires sur la base du mérite plutôt que de la naissance, suivant là un principe confucéen. La sélection et la qualification reposent sur des examens écrits. A la fin du IIe siècle av. J.-C., une université impériale est créée pour enseigner aux futurs fonctionnaires les cinq classiques de l'école confucéenne.

La dynastie des Han antérieurs connaît son apogée sous le règne de Wudi (140-87 av. J.-C.). La quasi-totalité de la Chine actuelle est soumise à l'ordre impérial. L'autorité chinoise est établie au sud de la Mandchourie et au nord de la Corée. A l'Ouest, les armées Han combattent les tribus nomades Xiongnu et Xianbei (apparentés aux Huns). Elles s'avancent jusqu'à la vallée du fleuve Iaxarte (actuelle Syr-Daria au Kazakhstan), ouvrant ainsi la célèbre « route de la Soie ». Au sud, elles conquièrent l'île de Hainan et fondent des colonies autour du delta du Xijiang ainsi qu'en Annam et en Corée.

Seulement, l'expansionnisme de Wudi épuise les réserves financières laissées par ses prédécesseurs et nécessite un retour au légisme pour renflouer le Trésor public. Les impôts sont majorés, les monopoles d'Etat restaurés et la monnaie dévaluée. Les souffrances endurées par les paysans sont aggravées par la croissance démographique qui réduit la superficie des exploitations, alors que les taxes augmentent. Les familles de grands propriétaires fonciers acquièrent une sorte d'exonération fiscale. Au fur et à mesure que le nombre de ces « non-imposés » augmente, l'assiette fiscale de l'empire diminue. Le fardeau supporté par les ruraux soumis à l'impôt se fait de plus en plus lourd. Les révoltes paysannes se multiplient et le banditisme se développe.


La dynastie Xin (9-23 apr. J.-C.)

Au cours de cette période de troubles et de désordres, un courtisan ambitieux, Wang Mang, dépose l'Empereur, alors enfant, dont il assume la régence. Il crée la dynastie éphémère des Xin et tente de restaurer la puissance du gouvernement impérial et d'alléger le fardeau des paysans. Il lutte contre les grandes propriétés exemptées d'impôts. Celles-ci sont confisquées au profit du domaine impérial et redistribuées aux paysans qui les cultivent.

L'esclavage est aboli, les monopoles impériaux sur le sel, le fer et la monnaie renforcés, et de nouveaux monopoles établis. Mais la résistance des propriétaires est si forte que Wang Mang se voit contraint d'annuler sa réforme du régime foncier. La crise agraire s'intensifie. Les paysans s'insurgent et prennent d'assaut Chang'an et parviennent à tuer Wang Mang. La dynastie Han est alors rétablie.


Les Han postérieurs (23-220 apr. J.-C.)

Le prince Liu Xiu (23-55 apr. J.-C.), qui deviendra Guang Wudi, fonde la dynastie des Han postérieurs (Houhan), ou Han orientaux (Donghan). Leur capitale est Luoyang, dans la province du Henan. Au Ier siècle apr. J.-C., la Chine poursuit son extension vers l'ouest. Les Chinois, qui contrôlent la Route de la Soie développent un commerce actif avec les peuples barbares d'Occident. C'est par eux que le bouddhisme est introduit en Chine. Dès leur accession au pouvoir, les Han postérieurs souffrent de la faiblesse et de l'inefficacité de l'administration impériale.

Comme sous les Han antérieurs, le gouvernement est miné par l'existence d'empereurs encore enfants et par le népotisme des familles impériales. Les empereurs finissent par s'en affranchir grâce aux eunuques du palais qui gagnent ainsi en autorité et en influence. Le gouvernement est alors déchiré par des querelles intestines entre factions rivales et des luttes de pouvoirs. Entre 168 et 170, fonctionnaires et eunuques s'affrontent, les premiers reprochant aux seconds d'avoir usurpé leur fonction légitime. En 184, deux révoltes éclatent, menées par des sectes taoïstes.


La Division (220-581)

L'empire des Han commence à s'effondrer lorsque les familles de grands propriétaires fonciers constituent leurs propres armées, profitant de la fragilité du gouvernement. Le pays se fragmente en trois Etats et entre dans la période dite des « Trois Royaumes ». En 220, Cao Pi, le fils de Cao Cao (Général qui a maté l'une des deux révoltes de 184) institue la dynastie des Wei (220-265) dans le bassin du fleuve jaune, avec pour capitale Luoyang. La dynastie Shu-Han (221-263) règne dans le sud (avec comme capitale Chengdu) et la dynastie Wu (222-280) dans le sud-est (capitale Nankin). Ces trois royaumes se livrent une guerre incessante.

En 263, le royaume Wei s'empare de son voisin Shu. Deux ans plus tard, Sima Yan (265-289), puissant général du royaume Wei, usurpe le trône et fonde, dans le nord, la dynastie des Jin occidentaux (265-316). En 280, il réunit sous son autorité le Nord et le Sud. Mais peu après sa mort, en 290, l'unité du pays s'effondre de nouveau. Les tribus nomades et barbares profitent de l'occasion pour étendre leurs zones de pâturage à la Grande Plaine du Nord. Les invasions débutent en 304. La Chine du Nord est rapidement submergée et , en 316, les tribus nomades chassent les Jin qui s'installent à Nankin où ils fondent une nouvelle dynastie (dite des Jin orientaux). Pendant environ trois siècles, le nord du pays est soumis à une ou plusieurs dynasties non chinoises.

Au IVe siècle, la Chine est donc séparée en deux. Dans le Nord, c'est l'époque des « Seize Royaumes des Cinq ethnies Barbares » (Shiliu guo). Le territoire, très morcelé, a été envahi par plusieurs peuples barbares (Xianbei, Di, Jie, Qiang), avant de passer sous la domination partielle des Xiongnu en 304. Aucune de ces dynasties étrangères ne parvient à dominer la totalité de la Grande Plaine du Nord avant 420, date à laquelle l'ensemble de la région passe sous la domination de la dynastie des Wei du Nord (386-534), fondée par les tribus Tuoba, de fervents bouddhistes.

Au cours de la seconde moitié du Ve siècle, les Wei du Nord, dont la capitale est Pingcheng (aujourd'hui Datong, dans le Shanxi), adoptent une politique de sinisation. La population rurale est soumise à une administration bureaucratique sur le modèle des dynasties chinoises précédentes. Les coutumes et l'habillement chinois sont adoptés, et le chinois devient langue officielle de la cour. Cette politique de sinisation se heurte à une vive résistance des chefs des tribus nomades. Leur rébellion (révolte des Six Garnisons, vers 525) provoque la chute de la dynastie des Wei du Nord en 534. Pendant les cinquante ans qui suivent, le Nord retombe aux mains de dynasties non chinoises.

La Chine du Sud, où se sont réfugiés les Jin occidentaux, voit se succéder cinq dynasties chinoises successives, formant avec la dynastie des Wu (222-280) les Six Dynasties du Sud : Jin orientaux (317-420), Liu-Song ou Song (420-479), Qi (479-502), Liang (502-557), Chen (557-589). La capitale, qui se trouve à JianKang ou Jianye (Nankin), devient un important carrefour culturel.


La dynastie Sui (581-618)

La Chine retrouve son unité avec la dynastie des Sui qui a succédé en 581 aux héritiers des Tuobas dans le Nord. Son fondateur, le général Yang Jian, conquiert le sud de la Chine et établit sa capitale à Chang'an (Xi'an). Les Sui restaurent le système administratif centralisé des Han et les concours officiels pour le recrutement des fonctionnaires. Le Confucianisme est la doctrine officielle, mais le taoïsme et le bouddhisme sont également reconnus. Le bouddhisme se répand rapidement et supplante progressivement le confucianisme.

La dynastie Sui fut courte mais connaît une grande activité. La Grande Muraille est restaurée au prix de nombreuses vies humaines.


La dynastie Tang (618-907)

Elle constitue une période de puissance et de prospérité culturelle sans précédent dans l'histoire de la civilisation chinoise. Les organes des gouvernements impériaux et locaux sont restructurés afin de former une administration centralisée. Un code élaboré de droit administratif et pénal est appliqué. La capitale, Chang'an, devient un centre culturel, cosmopolite et religieux rayonnant sur tout le royaume. De nombreuses religions et courants de pensée sont pratiqués (christianisme nestorien, islam, bouddhisme, manichéisme).

De nouvelles relations commerciales se développent avec l'Asie centrale et l'Occident le long des routes empruntées par les caravanes. A Canton, de nombreux marchands venus du Proche-Orient pratiquent le commerce maritime. Sous les Tang, l'influence chinoise s'étend à la Corée, au sud de la Mandchourie et au nord du Vietnam.


Les Cinq Dynasties (907-960)

La chute des Tang entraîne une dispersion du pouvoir politique et économique. La Chine connaît alors une courte période de division, dite période des Cinq Dynasties. Ces Cinq Dynasties éphémères se succèdent au nord de la Chine, et dix Etats indépendants se créent, la plupart dans le Sud. Durant cette période, la dynastie Liao (907-1125) des mongols Khitans (peuple nomade toungouse), établie en Mandchourie et en Mongolie, étend son influence sur les régions situées au nord du Hebei, du Shanxi et du Shaanxi. Pékin devient la capitale méridionale de leur Empire sino-khitan.


La dynastie Song (960-1279)

En 978, les Song contrôlent la plus grande partie de la Chine, à l'exception des régions septentrionales détenues par les Mongols khitans. On distingue généralement la période des Song du Nord (960-1127) dont la capitale est Kaifeng, de celle des Song du Sud (1127-1279) dont la capitale est Hangzhou, et pendant laquelle la dynastie ne contrôle plus que le sud du pays. Les Song réorganisent le pouvoir impérial et renforcent la centralisation sur la capitale. La structure administrative locale est à peu près celle des Tang. La littérature, les arts (porcelaine fine et céladons) et la philosophie continuent de se développer sur les voies tracées à la fin des Tang. D'importantes découvertes ont lieu, comme la boussole, l'imprimerie à caractères mobiles ou la poudre à canon.

Le bouillonnement intellectuel de la Chine sous la dynastie Song du Sud donne naissance à un nouveau système de pensée confucéenne, inspiré d'éléments taoïstes et bouddhistes, connu sous le nom de néo-confucianisme et dont le représentant le plus illustre est Zhu Xi. Cette nouvelle école est essentiellement centrée sur l'être humain, bien que ses emprunts aux doctrines métaphysiques du bouddhisme lui permettent de présenter une vision plus équilibrée et à long terme de l'Univers.


La dynastie Yuan (1279-1368)

En Chine, Gengis Khan, empereur suprême des tribus mongols s'empare d'abord de Pékin, la capitale des Jin, en 1215, avant de se rendre mettre de tout le nord de la Chine après la reddition de Kaifeng en 1233. La conquête du territoire des Song du Sud ne s'achève qu'en 1279, avec la victoire de Kubilaï Khan, petit-fils de Gengis Khan, qui a succédé à ce dernier à la tête de l'Empire Mongol.

Kubilaï Khan transfère la capitale mongole de Karakorom à Pékin qu'il nomme Khanbalik (Cambaluc). En 1279, il fonde la dynastie des Yuan. Il dirige un immense empire qui s'étend de l'Europe orientale à la Corée, et du nord de la Sibérie à la bordure septentrionale de l'Inde. Il emprunte aux Song l'essentiel de leur système administratif, et ses successeurs l'imitent. Bouddhistes lamaïques, ils ne cherchent pourtant pas à se siniser.

Le règne de Kubilaï Khan constitue l'apogée du pouvoir mongol. Les communications sont considérablement améliorées et les routes commerciales de l'Asie centrale, entièrement sous contrôle mongol, plus sûres que jamais. Pour cette raison, les échanges entre l'est et l'ouest s'intensifient, notamment avec les missionnaires (franciscains) et les commerçants étrangers (Florence, Gênes, Venise), dans le domaine intellectuel, culturel que technique. Le plus connu des voyageurs européens est sans doute le négociant vénitien Marco Polo qui séjourne à Cambaluc (Pékin) et à la cour de Kubilaï Khan de 1275 à 1292. Dans le Livre des merveilles du monde, il dépeint de façon vivante la splendeur de l'Empire mongol.

En 1357, le Sud échappe aux Mongols. Par la suite, un ancien moine bouddhiste, Zhu Yuanzhang, s'allie avec les nationalistes et réussit à reconquérir tout le bassin du Yang-tseu-kiang, se proclame empereur sous le nom de Hongwu et fonde la dynastie Ming. En 1371, alors que les chefs militaires mongols sont divisés par des rivalités internes, il s'attaque au nord de la Chine et prend Pékin. Les Mongols se replient sur leur base de Mongolie d'où ils continuent à harceler les Chinois.

Deux grandes dynasties dominent l'histoire de la Chine après la prise de pouvoir de Zhu Yuanzhang au XIVe siècle : la dynastie Ming et la dynastie mandchoue Qing


La dynastie Ming (1368-1644)

Les Ming commencent par établir leur capitale à Nankin (Nanjing) et restaurent la civilisation chinoise des Tang et des Song. La puissance chinoise se réaffirme en Chine et dans toute l'Asie orientale. Un gouvernement civil est rétabli, la littérature encouragée, des écoles fondées et l'administration de la justice réformée. L'Empire est divisé en 15 provinces, dont la plupart portent encore leur nom initial.

Sous l'Empereur Yongle (1403-1424), la Grande Muraille est consolidée et agrandie. Les tribus de Mongolie ayant été définitivement vaincues, la capitale de l'Empire est transférée en 1421 à Pékin, où commence la construction de la Cité interdite. Yongle rétablit également le système du tribut, par lequel les États non chinois d'Asie orientale reconnaissent la suprématie culturelle et morale de la Chine. Grâce au développement de l'irrigation, la famine recule, l'agriculture prospère et la population augmente. Vers 1600, la Chine compte près de 150 millions d'habitants.

Parallèlement, des relations maritimes s'établissent avec le monde occidental. Arrivés les premiers en 1514, les Portugais installent un comptoir commercial à Macao en 1557. Après 1570, le commerce se développe entre la Chine et les colonies espagnoles des Philippines.

En 1619, les Hollandais s'installent à Taïwan et prennent possession des îles Pescadores (Penghu). Des missionnaires jésuites — dont Matteo Ricci —, arrivés d'Europe dans la seconde moitié du XVIe siècle, répandent les connaissances occidentales et le christianisme. Leur sagesse et leur culture leur valent rapidement une position respectée à la cour des Ming. Toutefois, ils ne réussissent pas à implanter durablement le christianisme ni la pensée scientifique occidentale


La dynastie Qing (1644-1912)

C'est sous la dynastie mandchoue des Qing que le pouvoir de l'Empire chinois connaît l'apogée de ses deux mille ans d'histoire, jusqu'à son effondrement, au début du XXe siècle, imputable à la fois à une décadence intérieure et aux pressions extérieures exercées par l'Occident. Maîtres de la Chine, les Mandchous cherchent à se siniser, tout en brimant les Chinois, contraints, par exemple, à porter la natte, signe de leur soumission.

L'organisation politique est largement fondée sur celle des Ming, bien que plus centralisée. L'administration centrale dépend d'un nouvel organe gouvernemental, le Grand Conseil, qui traite les affaires militaires et politiques de l'État, sous les ordres directs de l'empereur. À Pékin, un Chinois et un Mandchou gèrent chaque direction administrative. La bureaucratie traditionnelle et le système des examens impériaux, reposant en grande partie sur la connaissance des classiques confucéens, sont maintenus.

À la fin du XVIIe siècle, les Qing éliminent toute opposition favorable au retour des Ming.

Le XVIIIe siècle est une période de paix et de prospérité sans précédent. L'ordre intérieur règne dans tout l'Empire. La dynastie atteint son apogée sous Kangxi (1662-1722), et surtout sous Qianlong (1736-1796). Les Chinois sont mieux traités. La Chine établit une solide influence sur la Mandchourie, la Mongolie, le Xinjiang et le Tibet. Le Népal subit à son tour le joug chinois. La Birmanie doit payer un tribut, tout comme les îles Ryukyu. La Corée et le nord du Vietnam reconnaissent la suzeraineté de la Chine, tandis que Taïwan est incorporée à l'Empire. La population connaît une forte croissance démographique (313 millions d'habitants en 1794), que ne parvient pas à suivre la production.

À la fin du règne de Qianlong, la situation des paysans s'aggrave, tandis que les ressources financières du gouvernement sont rognées par la politique d'expansion territoriale et la corruption croissante des fonctionnaires. Les troupes mandchoues, en garnison dans toute la Chine, contribuent à ruiner l'économie, et se montrent peu aptes à assurer une défense efficace après des générations de paix.

À la fin du XVIIIe siècle, les Mandchous restent réticents au développement des relations commerciales. Le commerce avec l'étranger est alors confiné au port de Canton, et les négociants sont contraints de passer par l'intermédiaire d'un nombre limité de commerçants chinois, groupés en associations, les Cohong (gonghang). Les nations les plus présentes sont alors le Royaume-Uni (de loin la plus importante), la France et les États-Unis. Au départ, les échanges favorisent l'économie de la Chine, car la Grande-Bretagne achète du thé et paie en métal-argent. Au cours des années 1780, les marchands britanniques développent le commerce de l'opium indien en Chine, alors que ce produit est prohibé depuis 1731. En 1800, ce marché s'étant largement développé, les échanges commerciaux deviennent excédentaires pour la Grande-Bretagne. L'hémorragie de métal-argent chinois, provoquée par le commerce florissant de l'opium, aggrave les difficultés budgétaires que connaît déjà le gouvernement des Qing

Le XIXe siècle est marqué par une détérioration rapide du système impérial et par un accroissement de la pression occidentale, puis japonaise. Les relations commerciales entre la Chine et la Grande-Bretagne s'enveniment. Les Britanniques cherchent à tout prix à étendre leurs échanges au-delà de Canton et des limites imposées par la Chine. Pour parvenir à leurs fins, ils tentent d'établir avec les autorités chinoises des relations diplomatiques similaires à celles qu'ils entretenaient avec les États occidentaux. Mais la Chine, qui vit depuis longtemps en autarcie économique, n'est guère intéressée par le développement de ses échanges commerciaux. Par ailleurs, les Chinois souhaitent mettre fin aux importations illégales d'opium par les négociants britanniques, qui ruinent les bases fiscales et morales de l'Empire et creusent le déficit extérieur du pays. En 1839, des fonctionnaires confisquent et détruisent de grandes quantités d'opium saisies sur des bateaux mouillant à Canton. La Grande-Bretagne, refusant de mettre un terme à ce négoce lucratif, déclenche les hostilités à la fin de 1839 avec l'envoi d'un corps expéditionnaire : c'est la guerre de l'opium.

La Chine subit une défaite sévère. Sa faiblesse militaire, imputable pour partie au ressentiment des Han à l'encontre des Mandchous, éclate au grand jour. La première guerre de l'Opium s'achève en 1842 avec la signature du traité de Nankin qui offre à la Grande-Bretagne tous les privilèges commerciaux qu'elle recherche. Au cours des deux années suivantes, la France et les États-Unis obtiennent des concessions identiques. Mais les puissances occidentales en trouvent rapidement les clauses insuffisantes. La Grande-Bretagne, alliée à la France, ne tarde pas à trouver l'occasion de reprendre les hostilités.

Au cours de la seconde guerre de l'Opium (1856-1860), leurs armées menacent le nord de la Chine. De nouveaux traités signés à T'ien-tsin (Tianjin), en 1858, accroissent les avantages commerciaux consentis aux Occidentaux. Mais lorsque Pékin refuse de les ratifier, le conflit reprend. En 1860, un corps expéditionnaire franco-britannique, sous le commandement de Lord Algin et du général Cousin-Montauban, entre dans Pékin. Le palais d'Été (Yuanmingyuan) est incendié, en représailles contre les atrocités commises à l'égard de prisonniers occidentaux. La Chine signe alors les conventions de Pékin et ratifie les clauses des traités de Tianjin.

Ces traités, que les Chinois appellent « traités inégaux », régissent les relations de la Chine avec l'Occident jusqu'en 1943. Ils modifient le cours du développement social et économique du pays et jettent le discrédit sur la dynastie mandchoue. Les ports chinois sont ouverts au commerce et aux résidents étrangers, et Hong Kong est cédée à titre permanent à la Grande-Bretagne avec la presqu'île attenante de Kowloon. Les ressortissants des nations signataires bénéficient de l'extraterritorialité, qui leur permet d'être jugés par leurs propres magistrats ou dans leurs consulats, selon les lois de leur pays. Ces traités comportent en outre la clause de la nation la plus favorisée, par laquelle tout privilège accordé par la Chine à une nation est automatiquement étendu à tous les autres pays signataires. L'économie chinoise tout entière se retrouve bientôt contrôlée par un réseau d'exploitation économique étranger. Les droits de douane sur les produits importés en Chine sont plafonnés à 5 p. 100, afin d'empêcher l'imposition arbitraire de droits excessifs. Cette mesure empêche la Chine d'établir des taxes d'importation suffisamment élevées pour protéger son industrie et permettre une modernisation de son économie.

Au cours des années 1850, les fondations de l'Empire sont ébranlées par le mouvement révolutionnaire Taiping (1851-1864), soulèvement populaire d'origine religieuse, sociale et économique. Son chef, Hong Xiuquan, qui a échoué aux examens impériaux, puis étudié le christianisme auprès d'un missionnaire protestant américain, se considère comme le second fils de Dieu, et donc le frère de Jésus-Christ, chargé de la mission divine de débarrasser la Chine de la domination mandchoue et de fonder une dynastie chrétienne reposant sur un partage équitable des richesses et sur l'égalité des sexes. En 1847, il fonde l'Association des adorateurs de Dieu et réunit de nombreux partisans, souvent pauvres, hostiles aux Mandchous.

La rébellion éclate dans la province de Guangxi en 1851. En 1853, le mouvement progresse vers le nord et Hong Xiuquan établit sa capitale à Nankin où il crée le « Royaume céleste de la Grande Paix » (Taiping Tianguo). Malgré leur échec aux portes de Pékin, les Taiping sont, en 1860, solidement retranchés dans le bassin du YangTsé et menacent Shanghai.

Le pouvoir mandchou, contraint à entretenir des relations avec des Occidentaux plus puissants et ravagé par un soulèvement intérieur d'une dimension sans précédent, comprend que l'Empire ne peut survivre qu'au prix d'un changement de politique. Sous le règne de l'impératrice douairière Cixi, entre 1861 et 1895, les Mandchous tentent de restaurer le gouvernement confucéen « bienveillant » des beaux jours de la dynastie, de résoudre les problèmes intérieurs sociaux et économiques, et d'adopter la technologie occidentale de manière à renforcer le pouvoir de l'État. Incapables de diriger eux-mêmes de tels programmes, ils s'adressent aux dirigeants chinois des différentes provinces. Investis par le pouvoir impérial d'une autorité financière, administrative et militaire inégalée, certains d'entre eux accomplissent leur mission avec un succès remarquable.

Entre 1860 et 1880, en grande partie grâce aux efforts des gouverneurs Zeng Guofan, Li Hongzhang et Zuo Zongtang, tous les soulèvements importants sont matés : les Taiping (1864), les Nian (1868), les Miaos (1872) et les Hui (1878). Ces guerres font entre 20 à 30 millions de morts. Cependant, la paix est restaurée, des arsenaux et des chantiers navals sont créés, et plusieurs mines ouvertes. Mais les objectifs de préserver un gouvernement confucéen et de développer une puissance militaire moderne sont incompatibles. La direction du programme de modernisation est confiée à la seule élite disponible, la bureaucratie néo-confucéenne lauréate des examens impériaux, mal équipée ou peu motivée pour mettre en œuvre les mesures nécessaires au renforcement du pouvoir de l'État. Si bien que les efforts tentés par la Chine pour accroître sa puissance entre 1860 et 1895 n'aboutissent pas.

Les puissances occidentales tentent tout d'abord de consolider les avantages commerciaux acquis par les « traités inégaux » plutôt que de rechercher des privilèges supplémentaires. Mais, en 1875, elles commencent, avec le Japon, à s'attaquer au protectorat chinois sur l'Asie du Sud-Est. Après 1875, les îles Ryukyu sont placées sous la domination japonaise. La guerre, qui oppose la France à la Chine en 1884 et 1885, fait entrer le Vietnam dans l'Empire colonial français. L'année suivante, la Grande-Bretagne annexe la Birmanie. En 1860, la Russie obtient les provinces du nord de la Mandchourie. En 1894, les tentatives japonaises pour soustraire la Corée à la suzeraineté chinoise aboutissent à la guerre sino-japonaise. La Chine subit une défaite décisive en 1895. Par le traité de Shimonoseki, elle reconnaît l'indépendance de la Corée, désormais sous influence japonaise, paie une indemnité de guerre considérable et cède au Japon l'île de Taïwan et la péninsule du Liaodong, au sud de la Mandchourie.

La Russie, la France et l'Allemagne réagissent immédiatement à la cession du Liaodong, qu'elles considèrent comme une mainmise du Japon sur l'une des régions les plus riches de la Chine. Elles interviennent pour que le Japon rétrocède cette région en échange d'une indemnité supplémentaire. Le Japon ayant accepté, les puissances européennes acculent la Chine à de nouvelles concessions.

En 1898, incapable de résister aux pressions occidentales, la Chine est morcelée en zones d'influence étrangère. La Russie obtient une concession pour la construction d'une ligne de chemin de fer transsibérienne reliant Moscou à Vladivostok, en passant par la Mandchourie, ainsi qu'un chemin de fer sud-mandchou jusqu'à l'extrémité de la péninsule du Liaodong. Elle possède également des droits économiques exclusifs sur toute la Mandchourie. D'autres droits exclusifs sur le développement des chemins de fer et des mines sont accordés à l'Allemagne (Shandong), à la France (provinces frontalières du Sud), à la Grande-Bretagne (provinces riveraines du Yang-Tsé) et au Japon (côte sud-orientale). Les États-Unis, qui cherchent à préserver leurs acquis sans entrer dans des rivalités territoriales, lancent la politique de la Porte ouverte (1899-1900) qui obtient l'assentiment des autres puissances étrangères. Selon cette politique, les privilèges obtenus en Chine par un pays ne doivent pas remettre en cause la clause de la nation la plus favorisée. Les États-Unis entreprennent également de garantir l'intégrité territoriale et administrative de la Chine, même si, jusqu'en 1941, ils se montrent réticents à utiliser la force pour faire respecter cette garantie.

En 1898, un groupe de réformateurs éclairés réussit à se faire écouter du jeune Empereur Guangxu. Durant l'été, en réaction à la création de nouvelles zones d'influence, ils mettent en place un programme de réformes radicales destiné à transformer la Chine en une monarchie constitutionnelle et à moderniser l'économie et le système éducatif. Mais ce programme se heurte au pouvoir des dignitaires mandchous, traditionalistes et anti-occidentaux, que l'impératrice Cixi a placés à la tête du gouvernement avant de se retirer. Celle-ci, avec la complicité de Yuan Shikai, fait séquestrer l'empereur, reprend les rênes du pouvoir et, avec l'aide de chefs militaires loyaux, met fin au mouvement réformateur. Le pays est alors balayé par une puissante vague de réaction nationaliste, qui atteint son paroxysme en 1900 avec la révolte des Boxers. Bien qu'officiellement dénoncée par le pouvoir chinois, cette société secrète bénéficie en réalité du soutien de Cixi et de nombreux dignitaires mandchous. Les Boxers assiègent les légations étrangères à Pékin pendant près de deux mois (18 juin-14 août 1900), jusqu'à l'intervention des détachements militaires envoyés par les différentes puissances étrangères.

Le Protocole de Pékin (17 septembre 1901) achève de placer la Chine sous tutelle occidentale. Les Chinois sont contraints de verser d'importantes indemnités, échelonnées sur une période de quarante ans, et d'accorder de nouvelles concessions commerciales aux nations occidentales. Le gouvernement mandchou comprend alors la futilité de sa politique réactionnaire. En 1902, le pouvoir adopte son propre programme de réformes et élabore un projet de régime constitutionnel sur le modèle japonais. En 1905, l'ancien système des examens impériaux est abandonné. La Russie profite de la révolte des Boxers pour étendre son influence sur toute la Mandchourie. Cette ingérence est à l'origine de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, à l'issue de laquelle la quasi-totalité du chemin de fer sud-mandchou et des privilèges russes en Mandchourie reviennent au Japon.

La mort de l'impératrice Cixi en 1908 accélère la chute de la dynastie Qing. Peu après la guerre sino-japonaise (1894-1895), un médecin éduqué à l'occidentale, Sun Yat-Sen, lance le Tongmenghui (« société de la conjuration »), mouvement destiné à établir un gouvernement républicain. Dans la première décennie du XXe siècle, les révolutionnaires forment une vaste coalition réunissant les étudiants et les commerçants d'outre-mer, ainsi que les Chinois de l'intérieur mécontents du régime. Au milieu de l'année 1911, des soulèvements se produisent, en protestation contre un programme de nationalisation des chemins de fer. En octobre, la révolte éclate à Hankou, en Chine centrale. Elle s'étend rapidement à d'autres provinces et Sun Yat-Sen prend le pouvoir. Les armées mandchoues, réorganisées par le général Yuan Shikai, sont alors nettement supérieures aux forces rebelles. Mais, négligeant le combat, Yuan préfère négocier avec les rebelles le poste de président du nouveau gouvernement républicain. Le 12 février 1912, Sun Yat-Sen démissionne en faveur de Yuan, et les Mandchous se retirent. Le 14 février, une assemblée révolutionnaire réunie à Nankin élit Yuan Shikai premier président de la république de Chine. La même année, Puyi, dernier Empereur de Chine, abdique à l'âge de 6 ans.


La République de Chine (1912-1949)

Une Constitution est adoptée et un Parlement convoqué en 1912. Mais Yuan Shikai ne laisse jamais ces institutions entraver sa mainmise sur le pouvoir et établit une dictature (1912-1916). Lorsque le Guomindang, parti nationaliste fondé en 1911 par Sun Yat-Sen, tente de limiter ses pouvoirs, d'abord par des tactiques parlementaires, puis par la révolution manquée de 1913, Yuan réagit. Il impose la dissolution du Parlement, interdit le Guomindang et utilise son influence personnelle auprès des chefs militaires provinciaux pour gouverner. Sun Yat-Sen se réfugie au Japon. L'opposition populaire contraint néanmoins Yuan Shikai à abandonner ses ambitions de restaurer l'Empire et de devenir empereur. À sa mort en 1916, plusieurs gouverneurs proclament l'indépendance de leur province. Pendant plus de dix ans, le pouvoir politique passe aux mains de ces seigneurs de la guerre (dujun), qui règnent localement. Le gouvernement central conserve une existence précaire et parfois fictive jusqu'en 1927.

Pendant la Première Guerre mondiale, le Japon tente d'établir sa suprématie coloniale. En 1915, il présente à la Chine les « 21 demandes » visant à faire de celle-ci un véritable protectorat japonais. Pékin en accepte certaines, comme le transfert des possessions allemandes du Shandong au Japon. En entrant en guerre aux côtés des Alliés en 1917, la Chine pense obtenir un siège à la table des négociations de paix, et freiner ainsi les ambitions japonaises. Elle espère également que les États-Unis, conformément à la politique de la Porte ouverte, lui offriront leur soutien. Mais lors des pourparlers de Versailles, le président Thomas Woodrow Wilson se désolidarise de la Chine et les anciennes possessions allemandes reviennent finalement au Japon. Or, depuis dix ans, les jeunes et les intellectuels chinois sont de plus en plus nombreux à chercher en Occident des modèles et des idéaux pour réformer la Chine. Ils sont, par conséquent, choqués par ce qu'ils jugent comme une trahison de Wilson. Lorsque la nouvelle atteint le pays, un vaste mouvement de protestation antijaponais éclate, le 4 mai 1919, à l'université de Pékin et se propage dans tout le pays.

Dans la période d'observation qui suit, deux objectifs apparaissent clairement : débarrasser la Chine de l'impérialisme occidental et rétablir l'unité nationale. Déçus par l'égoïsme cynique des Occidentaux, les Chinois se tournent de plus en plus vers l'Union soviétique et le marxisme-léninisme. Le Parti communiste chinois est créé à Shanghai en 1921. Parmi ses fondateurs figure Mao Zedong. En 1923, Sun Yat-Sen recourt à l'aide soviétique pour réorganiser le Guomindang désagrégé et militairement faible, et accepte, en échange, d'y admettre les communistes chinois.

Les « Trois Principes du Peuple » (nationalisme, démocratie et socialisme), qui constituent l'idéologie du Guomindang, sont fortement empreints d'anti-impérialisme et du désir d'unification nationale. Malgré la mort de Sun Yat-Sen en 1925, le Guomindang régénéré, sous le commandement du jeune général Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek), lance une expédition militaire depuis sa base de Canton (expéditions du Nord-Beifa) en 1926 et reconquiert une partie de la Chine. Jiang Jieshi cherche alors à réunifier la Chine sous la souveraineté du Guomindang et à se débarrasser des impérialistes et des Seigneurs de la guerre. En 1927, il procède, au sein du Guomindang, à une purge sanglante des communistes. Le 12 avril, il écrase l'insurrection prolétarienne de Shanghai. Il s'appuie dès lors sur la classe des propriétaires fonciers et sur les puissances impérialistes.

Le nouveau gouvernement nationaliste établi à Nankin en 1928 se trouve confronté à trois problèmes difficiles. Le premier est la portée encore limitée de l'unification : seules cinq provinces se trouvent réellement sous son autorité, les autres demeurant aux mains de Seigneurs de la guerre locaux. Le deuxième concerne la rébellion communiste. Les communistes chassés du Guomindang se séparent en deux factions clandestines. La première tente de fomenter des soulèvements urbains, la seconde, dirigée par Mao Zedong, se replie dans une région reculée du centre de la Chine, où elle mobilise et forme une armée paysanne, et crée plusieurs soviets. Le troisième problème, enfin, est l'agression japonaise en Mandchourie et en Chine du Nord.

Au cours des années 1920, le Japon a adopté une politique plus modérée à l'égard de la Chine. À la conférence de Washington en 1922, il a même accepté de lui restituer les anciennes possessions allemandes du Shandong. Mais, à partir de 1928, le Guomindang se heurte aux intérêts japonais concernant le contrôle du chemin de fer sud-mandchou par le Japon. Le 18 septembre 1931, celui-ci prétexte un prétendu bombardement du chemin de fer par les nationalistes chinois pour étendre son contrôle militaire sur toute la Mandchourie. Au printemps suivant, le Japon réunit les trois provinces de Mandchourie en un nouvel État, le Mandchoukouo, puis place à sa tête Puyi, le dernier empereur de la dynastie mandchoue. Au début de l'année 1933, l'est de la Mongolie-Intérieure est intégré au Mandchoukouo. Quelques mois plus tard, le Japon oblige la Chine à signer un accord de démilitarisation du nord-est du Hebei.

Dans les années 1930, la politique de Jiang Jieshi consiste à négocier avec les Seigneurs de la guerre, à temporiser avec les Japonais, et à concentrer ses efforts sur la lutte contre les communistes. Écrasé dans les villes ouvrières, le mouvement communiste ne subsiste plus que clandestinement. Mao Zedong innove, en déplaçant l'action du Parti vers les campagnes.

Paradoxalement, la révolution chinoise est le fait de paysans et non d'ouvriers. De 1927 à 1934, Mao crée des bases en Chine du Sud et en Chine centrale. Il rallie à lui des Seigneurs de la guerre comme Zhu De et des officiers communistes de l'armée régulière, tels que Liu Shaoqi. En 1934, les armées du Guomindang réussissent à asphyxier les soviets paysans. Les quelque 100 000 rescapés doivent quitter leur base, établie au Jiangxi, et se frayer un chemin à travers la Chine, d'abord vers l'ouest, puis vers le nord. C'est la Longue Marche (octobre 1934-octobre 1936). En 1936, après deux ans de combats et de progression épuisante, seuls 8 000 survivants parviennent à rallier la ville de Yanan (Shaanxi), où ils établissent leur quartier général. Cette retraite forcée, qui sonne comme une victoire morale, va s'avérer préjudiciable au Guomindang.

Par ailleurs, à mesure que l'agression japonaise s'intensifie, la pression populaire se fait de plus en plus forte pour que les dirigeants chinois unissent leurs efforts contre le Japon. Mais Jiang Jieshi refuse toute alliance. En décembre 1936, l'un de ses généraux, Zhang Xueliang, mécontent de son attentisme vis-à-vis du Japon, organise son enlèvement à Xi'an. L'intervention du communiste Zhou Enlai permet d'arriver à un compromis. Libéré, Jiang Jieshi accepte, en 1937, de former un front national uni, Guomindang-Parti communiste, contre le Japon. En juillet 1937, l'armée japonaise attaque la Chine.


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